Voici ce qu’écrit sœur Faustine dans son Petit Journal en 1934, à l’intention de son père spirituel :
« La souffrance est le plus grand trésor de la terre ; elle purifie l’âme. C’est dans la souffrance que nous apprenons qui est pour nous un véritable ami. L’amour véritable se mesure avec le thermomètre de la souffrance. » (PJ 342)
Méditation :
C’est une banalité de dire que c’est lorsque nous sommes dans l’épreuve que nous reconnaissons nos vrais amis, parce que certains nous ignorent et que d’autres nous prennent en compassion et nous viennent en aide, qu’ils demeurent à nos côtés, prennent de nos nouvelles et nous visitent, font pour nous ce que nous ne pouvons plus faire.
Dans cette page, sœur Faustine évoque le soutien que Jésus lui apporte dans les épreuves de la vie quotidienne au couvent et dans celles de la foi, depuis les souffrances morales qui sont liées au Tableau et à la fête du Dimanche de la Miséricorde, jusqu’aux souffrances de la nuit spirituelle qu’elle traverse, en passant par sa mauvaise santé physique. De tout cela, non seulement elle ne se plaint pas, mais elle rend grâce à Dieu. Elle redit que le Seigneur est ce véritable ami qui nous est toujours présent dans la souffrance, et surtout quand les tourments s’accumulent et que nous nous imaginons que personne ne nous comprend. Pour nous, c’est alors l’heure de l’épreuve de la confiance : notre cœur est-il disposé à prononcer avec sincérité ces mots très simples dictés par Jésus lui-même : « Jésus, j’ai confiance en toi » ?
Dire que la souffrance est « le plus grand trésor de la terre » pourrait être mal compris et passer pour une sorte de complaisance malsaine à la douleur. Mais il s’agit ici de la miséricorde de Dieu. Et en tout premier lieu de la Passion du Christ qui nous rachète. Jésus a été abandonné de la plupart de ses amis. La Croix nous laisse toujours désemparés parce que le Christ souffre au plus haut point et que nous ne pouvons pas prendre la vraie mesure du don qu’il fait de sa vie. Mais, que nous acceptions ou non cette offrande du Christ sur la Croix, que nous soyons parmi ses amis ou parmi ses ennemis, parmi ceux qui fuient dès la moindre alerte ou même parmi les indifférents et les ignorants, le don du Christ ne change pas : il a payé notre rançon et nous a libérés du péché et de la mort, nous sommes rachetés.
Alors par quoi rembourserons-nous cette dette que nous avons envers Jésus si ce n’est par le don de nous-mêmes, par le don de notre essentiel ? Les consacrés religieux et laïques comprennent cela en s’offrant à Dieu en sacrifice vivant et saint et en acceptant tout, absolument tout, de ce qu’ils ont à vivre. Ils quittent les pentes naturelles de leurs affections et de leurs désirs et considèrent comme méprisable tout ce qui les sépare même un tout petit peu de Dieu. Mais ce don d’eux-mêmes n’est pas sans conséquences : ils paient le même prix que leur Seigneur. Et les frères qui vivent à leur côté apprennent d’eux ce qu’est la valeur du détachement de soi, de l’acceptation de l’effondrement des projets, de l’incertitude, du renoncement, de l’épuisement.
Ceux qui s’approchent de Jésus miséricordieux apprennent à se mettre à son école pour devenir les serviteurs de l’humanité souffrante : comme jadis à ses disciples, Jésus leur dit « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, mais je vous appelle mes amis ». A nous, ses amis, Jésus nous apprend à être ses instruments, à être son cœur pour les hommes : nous qui acceptons de suivre Jésus, nous apprenons à sublimer la souffrance et les épreuves. C’est-à-dire non seulement à les accepter telles qu’elles arrivent et même telles qu’elles font leur creux en nous, mais à les offrir pour les épreuves des autres, de nos proches et de ceux que l’on nous confie dans la prière, et même de l’humanité tout entière. Et nous faisons œuvre de miséricorde en demandant la grâce de ressentir les souffrances physiques et morales de notre prochain, et de ne refuser cette œuvre d’amour à personne. Nous taisons nos propres souffrances et nous les déposons, avec celles de nos frères, dans le cœur très miséricordieux de Jésus.
fr. Pierre Sokol et Isabelle Kamaroudis
relecture par le Père Dominique Aubert