Voici ce qu’écrit Soeur Faustine en février 1935 à l’intention de son père spirituel :
« Lors d’une adoration, Jésus m’a promis ceci : ‘A l’heure de leur mort, j’agirai selon mon infinie miséricorde envers les âmes qui auront recours à ma miséricorde et envers les âmes qui auront glorifié et parlé aux autres de mon immense miséricorde. Mon coeur souffre, a dit Jésus, parce que même les âmes choisies ne comprennent pas l’immensité de ma miséricorde ; leur relation avec moi est en quelque sorte un manque de confiance.
Ah ! que cela blesse mon coeur ! Souvenez-vous de ma Passion, et si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez au moins à mes plaies.’ » (PJ 379)
Méditation :
On peut se demander pourquoi tant de fidèles se refusent avec obstination à entendre parler de la dévotion de la Divine Miséricorde. Le mot même de miséricorde est pourtant extrêmement fréquent dans les Écritures dès les psaumes et les prophètes, et il parcourt aussi la liturgie chrétienne, la messe et la Liturgie des Heures. On prononce et on entend le mot mais on ne le comprend pas bien, semble-t-il. Dieu nous donnerait-il à prier avec des mots qui obscurcissent l’esprit et le coeur ? Bien sûr que non.
Et voilà que Jésus nous donne sa réponse, écrite sur le Tableau même qu’il a demandé à Faustine de peindre de Lui et qui sera dévoilé publiquement deux mois après l’écriture de ce passage : faisant fi de la tradition esthétique des tableaux peints depuis des siècles, Jésus réclame que l’artiste écrive au bas du Tableau « Jésus j’ai confiance en toi. », indiquant par là l’essentiel du message de la Miséricorde pour les modernes qui perdent le sens des mots. S’adressant en particulier aux consacrés que Jésus appelle devant soeur Faustine « les âmes choisies », il demande qu’ils ne perdent pas de vue que leur consécration repose sur cette confiance absolue en Christ. Ce mot-là aussi serait-il difficile à comprendre ? Même au sein de l’Église de Dieu, l’activisme, le désir de reconnaissance, l’ambition personnelle entre autres, nous conduisent à nous détacher progressivement du Seigneur lorsque nous « faisons » et que nous ne « sommes » plus, c’est-à-dire lorsque que nous ne sommes plus en communion profonde avec Lui alors même que nous prétendons agir en son Nom et pour Lui. Nous nous réduisons à nos propres forces, nous nous épuisons dans les activités envahissantes sans nous remettre longuement entre les mains de Jésus dans la prière et l’adoration, au moins avant une action et décision importante à prendre.
Cachés à l’intérieur du mot miséricorde, il y a d’autres mots difficiles à comprendre pour les hommes et il serait bon qu’ils ouvrent leur dictionnaire : il y a par exemple les mots ‘patience de Dieu’ et ‘pitié infinie’ ; il y a ‘contrition’, ‘confession des péchés’ et ‘faire pénitence’. Il y a encore ‘se mettre à genoux devant le Seigneur’, il y a ‘amour crucifié’ et ‘prosternation’ ; il y a ‘adoration’ et ‘Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel’. Il y a aussi ‘ne plus dire ‘moi je…’’, et ‘se détacher de soi’ ; il y a ‘Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font’ (Lc 23, 34) et ‘Seigneur, tu sais bien que je t’aime’ (Jn 21, 17). Oui, par le mot miséricorde, le Seigneur nous dit et nous redit qu’il n’est pas un Dieu absent, qu’Il n’a pas dit « Cherchez-moi dans le vide (Isaïe 45, 19) » mais « Demeurez dans mon amour (Jn 15, 9). » Et enfin, sous le mot miséricorde, il y a ce qui est peut-être le moins compris et le plus difficile à saisir pour les hommes d’aujourd’hui : ‘Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20).’
Les disciples de la Miséricorde doivent souvent se faire les grammairiens du coeur de Jésus. Ils travaillent à faire comprendre à leurs frères le sens profond de ces mots pourtant si simples et si doux puisqu’ils nous arrivent des entrailles-mêmes de Dieu. Les disciples montrent à leurs frères comment ouvrir le dictionnaire de l’amour de Jésus, ils les aident à tourner les pages, à les méditer. Ces discipleslà, dans leur patience, sont tendrement aimés de Jésus, qui les accueille lorsqu’ils viennent se ressourcer sous les rayons qui jaillissent de son coeur pendant l’adoration du Saint Sacrement et dans la vénération du Tableau, par lequel Il a demandé à être représenté aux yeux de tous comme Jésus Miséricordieux.
fr. Pierre Sokol et Isabelle Kamaroudis
relecture par le Père Dominique Aubert