Voici ce qu’écrit soeur Faustine en mars 1937, le jour du Lundi Saint, à l’intention de son père spirituel :
« + Je vois de mieux en mieux combien chaque âme a besoin de la miséricorde de Dieu durant sa vie,
mais particulièrement à l’heure de la mort. Ce chapelet sert à apaiser la colère de Dieu,
comme le Seigneur luimême me l’a dit. » (PJ 1036)
Méditation :
« Dans ta justice libère-moi, Ecoute et viens me délivrer. », dit le psaume 30. La prière pour les agonisants par le chapelet de la Miséricorde est très efficace. Parce qu’il va toucher le coeur très sensible du Père Céleste qui a voulu nous donner la vie, nous faire exister. On dit que les âmes sont « agonisantes » quand elles se mettent à livrer combat, quand elles perdent confiance en la miséricorde infinie du Père. Elles se détournent, veulent regarder en arrière. L’Ecriture appelle traditionnellement « colère » de Dieu le sentiment que Dieu a lorsque nous refusons de nous laisser approcher par Lui, toucher par Lui, quand nous persistons à nous tenir éloignés de Lui, à Lui tourner le dos. Avant le Jugement, cependant, a dit Jésus à soeur Faustine, j’offre le temps de la Miséricorde. A l’heure de la mort, le temps presse. Il est temps de consentir enfin à nous convertir et à nous pencher sur la poitrine de Jésus.
Ce passage du Petit Journal vient juste après un très beau récit de l’agonie d’un malade assez jeune, voisin de chambre de soeur Faustine qui fait un long séjour à l’hôpital. La mort semble le prendre au dépourvu, elle déconcerte l’âme qui n’est pas préparée. Soeur Faustine raconte alors à son père spirituel comment elle s’est mise à la place du mourant, comment elle a mimé la mort de son voisin dans son propre corps, pour émouvoir le Seigneur, pour prendre sa place symboliquement, pour détourner sur elle cette colère de Dieu. Car elle connaît les moyens de l’apaiser pour elle et pour le monde. Elle s’est enfermée, dit-elle, dans sa chambre, mimant la mise au tombeau ; elle s’est couchée à même le sol froid, pour la plus grande humilité ; elle a pris la position du Crucifié, les bras en croix, pour reconnaître que la Croix est le lieu et l’instrument du salut ; elle est entrée comme Jésus dans les affres du passage en priant pour son prochain : « J’étais glacée d’épouvante, écrit-elle, mais je n’ai pas cessé d’implorer Dieu d’accorder sa miséricorde à cette âme » ; enfin, elle est allée poser la croix de sa consécration sur la poitrine du mourant pour signifier que le Christ se consacre pour l’humanité tout entière, et l’Eglise avec Lui.
Les religieux ne reçoivent pas de sacrement spécifique pour leur consécration, c’est leur baptême qui est seulement rappelé et qui les mène à la vie parfaite. Soeur Faustine, par les gestes qu’elle fait à la place de cet homme, remet le corps et l’âme du mourant sur le chemin de Dieu, elle le prend, en quelque sorte, par la main. C’est ce qu’a fait Jésus pour toute l’humanité en acceptant d’être humilié, livré, de tomber à terre en portant sa croix et de mourir. Et nous, nous portons à notre cou, sur notre poitrine, cette croix que nous sommes parfois appelés à déposer sur le corps et tout contre l’âme de ceux qui ne la portent pas ou qui la refusent. Ainsi, puisqu’ils ne peuvent pas, ou ne savent pas, venir se pencher sur le coeur de Jésus, c’est Jésus qui vient, par nous, se pencher sur leur poitrine. Et c’est tout le sens du Service Evangélique des Malades. Nous avons été plongés dans la mort du Christ pour mourir au péché, nous sommes déjà morts, nous ne craignons plus d’être séparés de Jésus. Mais, bien plus, nous sommes vivifiés par sa Résurrection pour vivre sans fin la vie nouvelle du Royaume. L’agonisant, raconte soeur Faustine, est mort paisiblement en ayant cessé de souffrir l’épreuve du passage. « Entre tes mains je remets mon esprit, dit Jésus en mourant en citant le psaume 30, tu me rachètes, Dieu de vérité. Devant moi, tu as ouvert un passage. »