Voici les premiers mots de l’hymne qu’écrit Soeur Faustine en commençant son Petit Journal en 1934,
à l’intention de son père spirituel :
« Ô Amour éternel, Tu ordonnes que soit peinte ta sainte image
Et tu nous révèles la source de ton inconcevable miséricorde.
Tu bénis quiconque s’approche de tes rayons,
Et l’âme noire devient blanche comme neige. (…) » (PJ 1)
Méditation :
Ces mots ouvrent le Petit Journal de celle à qui Jésus va dire : « Tu es la secrétaire de ma miséricorde ». Il lui a donné l’ordre de mission de transcrire sur ses petits cahiers tout ce qu’il désire dire au monde au sujet de sa miséricorde et d’écrire aussi ce qu’elle vit dans sa relation à Dieu et dans sa communauté en tant que chargée de cette mission. Le premier cahier avait déjà été commencé mais elle l’a jeté au feu, pensant qu’il serait mieux de ne pas l’avoir écrit. Son père spirituel, l’abbé Michel Sopoćko, lui donne l’ordre de le récrire, au nom de la sainte obéissance.
Or, voilà que ce qui vient en tout premier ne concerne pas la justification de ce cahier, ni cet ordre, ni cette mission. Il concerne le Tableau de la Miséricorde.
C’est une hymne originale que soeur Faustine compose pour le Seigneur qui veut offrir à l’humanité le Tableau que le peintre est en train d’achever à ce momentlà, laborieusement.
Le Tableau paraît donc ici comme la figure de proue de tout l’ouvrage et de toute la mission de soeur Faustine. Il résume ce pour quoi elle reçoit des révélations : la Divine Miséricorde, c’est Jésus, surgissant au Cénacle le soir de sa Résurrection et instituant le sacrement de la réconciliation entre le coeur de l’homme et le coeur de Dieu. Le Seigneur sort de l’ombre, avance dans sa gloire, apporte la paix, bénit le monde et montre le prix qu’il a payé pour racheter l’humanité qui avait abandonné son Créateur : il garde les traces de sa souffrance extrême sur la Croix aux mains, aux pieds et au coeur.
La demande de Jésus de faire peindre ce Tableau et de le faire connaître au monde entier a plongé soeur Faustine dans un véritable parcours du combattant, dans de lourdes épreuves personnelles et spirituelles. Cette exigence est l’occasion d’humiliations, de moqueries, de soupçons, d’incompréhensions de toutes parts, pour lesquelles elle ne cesse jamais de demander de l’aide au Seigneur. Elle sait qu’elle n’est qu’un instrument de Dieu pour toucher l’humanité. Et dans cette hymne qui ouvre son Petit Journal, trois ans après la commande du Tableau, soeur Faustine s’efface pour laisser tout le lieu à Jésus.
Depuis lors, ceux qui approchent du Tableau, qui demandent à Jésus le pardon et la vie nouvelle avec confiance, sont illuminés des rayons qui jaillissent de son coeur, ils sont enveloppés de grâce. C’est la promesse du Seigneur.
Sur le fond du Tableau, derrière les rayons, il y a l’ombre. L’ombre derrière le Christ en gloire est surnaturelle, c’est, curieusement, l’ombre de la Lumière.
C’est l’ombre de la mort dont le Christ est vainqueur, et c’est aussi l’ombre du repos bienfaisant : « Heureux, dit Jésus à soeur Faustine, heureux celui qui vivra dans l’ombre des rayons, parce que la main juste de Dieu ne l’atteindra pas. » (PJ 299) Les disciples de la Miséricorde peuvent s’attendre à vivre des épreuves, comme le Christ leur Maître leur en a montré le chemin. Mais ils peuvent demander la grâce de passer, même un tout petit peu, derrière les rayons, dans l’ombre divine protectrice, hors du monde.
Comme disciples de la Miséricorde, nous vivons les deux grâces : Nous puisons indéfiniment le pardon et la vie nouvelle offerts par le Seigneur pour nous et pour le monde entier, pour ce monde que nous apportons à ses pieds.
Et nous supplions Jésus de nous laisser reprendre souffle dans les épreuves en nous effaçant, en nous oubliant en Lui, dans une retraite bienfaisante.
Et c’est toujours Jésus qui nous attire à lui, nous aimante, nous donne le repos et nous fait repartir dans la confiance en Lui. L’ombre des rayons, cela existe, oui, pour ceux qui désirent être protégés par Jésus de tout ce qui n’est pas lui. (PJ 465)
fr. Pierre Sokol et Isabelle Kamaroudis
Relecture par le Père Dominique Aubert