Voici ce qu’écrit soeur Faustine à l’intention de son père spirituel pour le mois de mai 1933 :
« Jésus, ami de mon coeur solitaire, tu es mon havre, ma paix, mon seul secours.
Tu es mon réconfort dans les moments de combats et dans l’océan de doutes.
Tu es le rayon lumineux qui éclaire le chemin de ma vie.
Tu es tout pour l’âme solitaire. Tu comprends l’âme, même quand elle se tait.
Tu connais nos faiblesses, tu nous consoles et tu nous soignes comme un bon médecin,
en nous épargnant des souffrances parce que tu nous connais bien. » (PJ 247)
Méditation :
Au Livre des Nombres, Dieu dit au sujet de Moïse les paroles suivantes : « Toute ma maison lui est confiée, je lui parle bouche à bouche, dans l’évidence. » (Nb 12, 7-8). L’amitié vient de Dieu et c’est une immense grâce qu’il nous accorde de nous considérer comme ses amis, alors que nous perdons sans cesse son amitié, collectivement et individuellement, en nous détournant de Lui. Pour que nous demeurions dans son amitié, Dieu a jugé bon de nous envoyer son Fils unique qui s’est livré pour nous afin que nous ne
soyons plus abandonnés au pouvoir de la mort. La grâce puissante d’être ami de Dieu se puise en particulier dans la douce intimité de la prière et dans les actes de charité que nous n’ébruitons pas, qui restent dans le secret de Dieu. L’intercession de l’humble Moïse pour le peuple d’Israël savait toucher le coeur de Dieu parce qu’elle était épurée de lui-même, parce qu’il s’oubliait lui-même. Il avait une confiance absolue en Dieu, et les épreuves ne manquaient pas.
Alors ouvrons la porte de notre coeur quand il frappe. Que notre coeur batte à lui répondre, à courir à sa rencontre ! Nous courons à la rencontre de Jésus lorsque nous répondons à l’appel de nos frères dans le besoin urgent, lorsque nous nourrissons, nous hébergeons, nous mettons à leur disposition nos mains et nos moyens, lorsque nous prions pour eux. Et cette gratuité de nos gestes les sauve en Jésus Christ, qui nous rendra au centuple ce que nous donnons.
Regardons aussi la beauté rayonnante des saints, des « amis de Dieu », pour mieux comprendre ce qu’est la grâce de l’amitié : ils dépassent les épreuves qu’ils ont à vivre, la sécheresse spirituelle, les graves problèmes de santé, les résistances à Dieu de la part de leur entourage, l’impression de solitude, les doutes même : ils vivent tout cela en demandant à Dieu de les gratifier de la confiance dans leur coeur à coeur avec lui, y compris dans la nuit de la foi. Et à nous, ils nous enseignent la patience, la joie intérieure, la puissance du silence dans lequel on rencontre Dieu. Ils ont fait dans leur vie le choix prioritaire de Dieu, souvent même exclusif. Ils laissent Jésus gouverner leur vie. Le Seigneur dormait dans le fond de leur barque depuis leur baptême, ou plutôt il faisait semblant de dormir. Un jour, il s’est levé à leur appel et il a saisi leurs mains sur la barre de gouvernail pour trouver le cap et la route.
Le vrai ami nous connaît bien, il vit en communion mystérieuse avec nous et nous le reconnaissons dans cette communion. Les amitiés spirituelles sont ainsi faites et extrêmement fortes. L’ami en Jésus Christ participe à nos combats parce que Jésus y participe. Il souffre avec nous parce que Jésus souffre avec nous, il est indulgent pour nos fautes parce que Jésus nous pardonne, il est patient parce que Dieu est toute patience avec nous. Il comprend notre âme quand elle se tait parce que dans le silence nous trouvons Jésus, notre Maître et notre Ami.
Reconnaissons donc que nous sommes entièrement dépendants de l’amitié de Dieu – c’est-à-dire de son puissant soutien -, et essentiellement solitaires – c’est-à-dire attendant tout de la main de Dieu -. Et menons ce mystérieux combat de l’intercession pour ceux qui nous sont proches, lointains, et que nous ne connaissons même pas. Car le Seigneur aime cette amitié-là, absolument gratuite et qui nous vient de Lui.
fr. Pierre Sokol et Isabelle Kamaroudis
relecture par le Père Dominique Aubert